J’ai le sentiment d’avoir renoué avec un amour de jeunesse entre les pages de ce livre. D’avoir goûté à nouveau les joies d’un roman historique joliment ficelé, de m’être plongée dans une époque, un espace et un regard comme on ne peut le faire qu’entre les pages d’un livre de cette trempe.
Avec lui, je me suis enthousiasmée pour quelque chose qui m’était peu à peu devenu étrangère : une histoire.
Lecture après lecture, voyez-vous, je découvre la lectrice que je suis (ou deviens).
Une lectrice mue avant tout par le goût de la langue. Par la joie de sentir sous mes yeux une façon de dire le monde. De voir se déployer devant moi une architecture sublime, éternelle construction.
Fatalement, je m’éloigne de bon nombre de textes pour lesquels la langue n’est qu’un moyen. Un média comme un autre, vecteur possible d’un récit quelconque, mais n’ayant aucune vocation à être.
L’avantage de cette démarche : la découverte sans cesse renouvelée des pouvoirs de la Littérature, et une bibliothèque intérieure chargée de délices.
Son inconvénient : l’oubli d’un ingrédient que d’aucuns diraient essentiel : une bonne histoire.
Cette bonne histoire, c’est précisément ce qu’adolescente et jeune adulte que convoitais. Entre les pages d’un roman, je recherchais la possibilité d’un ailleurs, d’une multiplicité de voix, l’infinité des paysage que composent les histoires de ce monde, fictives ou inspirées.
La malédiction des Florès d’Angelica Lopes m’a fait retrouver ce plaisir immense.
Si le texte s’est avéré n’avoir aucun intérêt littéraire à proprement parler (trop littéral, trop descriptif), il m’a raconté une histoire formidable.
Une histoire que j’ai chérie.
*
2010, Rio de Janeiro. Lorsqu’une tante lui offre un voile de dentelle, la jeune Alice ne sait qu’en faire. Pour cette militante féministe, la relique familiale incarne le pire de la domination patriarcale.
Elle ignore que cette véritable œuvre d’art raconte une histoire de violence et de lutte pour la liberté survenue cent ans plus tôt.
1918, dans le Nordeste. Eugênia, mariée contre son gré, invente un code — qu’elle dissimule dans les points de sa dentelle — pour communiquer avec sa meilleure amie. Et le message est clair : elle veut s’échapper.
Un siècle les sépare et, pourtant, les vies d’Alice et d’Eugênia sont unies par un fil invisible, une même volonté. Celle de choisir leur destin.
*
J’ai eu un immense plaisir à me plonger dans les vies de ces femmes, générations après générations. Et dans leur art, vecteur d’émancipation et d’amitiés partagées.
Je trouve merveilleux que d’un artisanat exclusivement féminin — dont le résultat a souvent été d’enfermer les femmes dans la petitesse de travaux domestiques — naisse leur absolue puissance, et la possibilité d’une libération prochaine. C’est une chose qui résonne en moi très fortement.
J’ai aimé me glisser dans leurs intérieurs, sous leur crâne et dans leur cœur, les voir évoluer dans le Brésil du début du XXème siècle et percevoir leurs réalités.
Découvrir un ailleurs, leur ailleurs.
La malédiction des Flores, c’est une intrigue intelligemment menée sur de femmes qui résistent, par leur métier, leur art et leur mémoire.
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