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  • Photo du rédacteurloudebergh

Mille petits riens, Jodi Picoult.


Mille petits riens de Jodi Picoult est un livre au moins aussi essentiel que l’excellent Americanah de Chimamanda Ngozi Adichie, souvent cité lorsque la question raciale est abordée dans un roman.

Et si, à la différence de cette dernière, Jodi Picoult est aussi blanche qu’issue d’un milieu on ne peut plus privilégié, elle nous donne à lire, à comprendre et à intégrer une réalité que nous – Blancs – avons souvent tendance à oublier.

Par cet admirable texte de près de 600 pages, elle nous montre qu’il est grand temps de cesser de mettre la poussière sous le tapis, de nier les évidences et la permanence structurelle d’une culture éminemment raciste aux États-Unis (ainsi qu’en Europe, cela va sans dire).


*


Ruth est sage-femme depuis vingt ans. C’est une employée modèle. Une collègue appréciée et respectée de tous. La mère dévouée d’un adolescent qu’elle élève seule.

En prenant son service par une belle journée d’octobre 2015, Ruth est loin de se douter que sa vie est sur le point de basculer.

Pour Turk et Brittany, un jeune couple de suprémacistes blancs, ce devait être le plus beau moment de leur vie : celui de la venue au monde de leur premier enfant. Le petit garçon qui vient de naître se porte bien. Pourtant, dans quelques jours, ses parents repartiront de la Maternité sans lui.

Kennedy a renoncé à faire fortune pour défendre les plus démunis en devenant avocate de la défense publique. Le jour où elle rencontre une sage-femme noire accusée d’avoir tué le bébé d’un couple raciste, elle se dit qu’elle tient peut-être là sa première grande affaire.

Mais la couleur de peau de sa cliente, une certaine Ruth Jefferson, ne le condamne-t-elle pas d’avance ?


*


Mille petits riens est un roman absolument bouleversant.

Intelligent.

Et captivant.

Il aborde sans détour le grand Mal américain – le racisme structurel de la société – avec une finesse, une profondeur et une clairvoyance rare.

Si le scénario est magnifiquement tenu, que l’on se retrouve bien souvent incapable de refermer le livre malgré son épaisseur et que la plume de son autrice est implacable d’efficacité, c’est avant tout sur la force de son propos que j’aimerais revenir.


Dans sa postface, l’autrice écrit :

« Mon objectif n’était pas de raconter le quotidien de personnes de couleur pour que celles-ci s’y retrouvent, non. Je voulais écrire cette histoire à l’attention de ma propre communauté – les Blancs – qui, si elle sait très bien montrer un skinhead néonazi en le traitant de raciste, éprouve davantage de difficultés à discerner les pensées racistes qu’elle porte en elle.

/…/

J’ai exploré mon passé, mon éducation, mes idées préconçues, et découvert que je n’étais pas aussi irréprochable ni progressiste que je le croyais.

La plupart d’entre nous pense que le mot racisme est synonyme de préjugés. Mais le racisme ne se réduit pas aux actes discriminatoires liés à la couleur de peau. Le racisme implique également les personnes qui détiennent le pouvoir institutionnel. De la même manière qu’il génère des entraves freinant la réussite sociale des personnes de couleur, il offre en contrepartie aux Blancs des avantages leur permettant d’évoluer plus facilement sur l’échiquier social. Discerner ces avantages n’est pas chose aisée, reconnaître leur existence l’est encore moins. Et c’est précisément la raison pour laquelle il fallait que j’écrive ce livre. »


Et grand bien lui a pris!

Si je suis extrêmement sensible à ces questionnements, que Jodi Picoult ne pouvait que prêcher la convaincue que j’étais, j’ai été des plus perméable à la force de son raisonnement et la lucidité de son propos. Car lorsque l’on parle de justice sociale, le rôle du Blanc antiraciste n’est pas celui du sauveur, encore moins celui du réparateur. Sa mission consiste à sensibiliser ses pairs, leur faire prendre conscience de tous les avantages dont ils bénéficient au détriment d’autres personnes.

Le racisme est encore partout. Si prégnant.

Et dire, en tant que Blanc, que l’on ne fait pas attention à la couleur, que cela n’entre aucunement en ligne de compte – jamais – que l’on ne perçoit rien de ce racisme qui rampe et s’immisce dans tous les interstices, c’est mentir et se mentir.


Mais là est la subtilité de Jodi Picoult : grâce à ses personnages complexes, son intrigue captivante, la sagacité de sa plume, elle nous propose de nous voir comme des « chantiers en cours », des êtres capables de progresser tous les jours. La lecture de Mille petits riens nous y aide clairement.


Elle nous offre en prime quelques très belles heures de lecture, des émotions intenses et un grand coup de cœur pour ma part que je vais m’empresser de diffuser autour de moi avec force et volonté.

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