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Napalm dans le cœur, Pol Guasch.


Il y a quelques jours, dans une chronique consacrée au très beau roman d’Alyson Hagy Les Sœurs de Blackwater, je parlais du véritable délice que pouvait constituer le fait de ne pas tout saisir d’une histoire qui nous était racontée,

de la joie de se laisser porter,

du plaisir de ne pas forcément comprendre.


Mais alors que je referme Napalm dans le cœur de Pol Guasch, je dois avouer que mon assertion a ses limites. Entre le fait de ne pas tout saisir et celui de ne pas saisir grand-chose, il y a un pas que j’ai souvent eu le sentiment de faire au cours de ma lecture.

Heureusement, la langue – sublime, pleine et terrible – parvenait chaque fois à sauver l’ensemble, mais c’est sur un sentiment des plus mitigés que je termine ce texte résolument original.


*


C’est une guerre mystérieuse. Une guerre aux règles absurdes, soudaine, menée par des autorités inquiétantes, une guerre violente qui confine notre héros chez lui, seul avec sa mère.

C’est un pays inconnu qui pourrait être partout, contaminé par un air « mauvais ». On y parle une langue non autorisée, qui se désagrège.

C’est un territoire dans lequel naît un amour interdit, romantique, enfiévré.

C’est un couple de garçons qui trouve le courage de fuir de « l’autre côté », lesté d’un héritage lourd à porter.

C’est une dystopie à une époque étrangement actuelle. Un livre poétique. Un livre politique.


*


Je suis tombée sur ce texte un peu par hasard, lors de mon dernier passage à la librairie. Je voulais lire quelque chose de différent, vivre une « expérience de lecture » comme on dit, me lancer dans quelque chose de plus ardu peut-être que ce que j’avais lu dernièrement, quelque chose de déstabilisant.

J’ai été attirée par sa très belle couverture d’abord,

par le fait que l’éditeur parlait de ce livre comme d’un « roman en fragments » ensuite

et par les quelques citations dithyrambiques jetées sur le premier rabat.

En le feuilletant, j’ai découvert quelques photos, des titres de chapitre puissants et des croquis audacieux. Et c’est tout naturellement que j’ai pensé : ce livre est pour moi.


J’ai immédiatement été saisie par la beauté de la langue de Pol Guasch, son audace, sa sensibilité et sa poésie. Il y avait quelque chose de lancinant dans les mots mis les uns à côté des autres, quelque chose de très puissant, difficilement traduisible en mots. Et puis les chapitres s’enchainaient dans une rengaine sauvage impossible à lâcher. Comme si l’auteur avait jeté un sort aux bribes de récit qu’il nous donnait à lire.

Une incantation qui les liait à notre âme avec des cordes de feu.

Cela me plaisait infiniment.


Pourtant, plus le récit avançait, plus je me sentais perdue. Je ne comprenais pas toujours (voir jamais) le lien entre les titres des fragments et les morceaux de texte situés à leurs pieds, je ne voyais pas l’intérêt des photographies choisies et surtout : je me perdais de plus en plus souvent dans le récit.

J’en percevais l’essentiel bien entendu – le sens général, la fuite des personnages, les aléas rencontrés – mais je peinais à saisir le sens profond, goûter la substantifique moelle du texte. Je me surprenais à trouver l’auteur de plus en plus prétentieux, prisonnier d’une langue sublime certes, mais résolument inaccessible.


Je le réalise maintenant, je suis probablement passée à côté de beaucoup de choses.

Mais le désir m’a quittée et j’ai perdu toute envie de me replonger dans les mots de Napalm dans le cœur, si grandioses soient-ils.





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