
La souffrance de la mère jaillit.
Comme un geyser.
Elle quitte son giron terrestre, fait exploser la croûte de larmes, d’effroi et de doutes qui la contenait et s’élance vers le ciel.
Elle s’élève haut. Si haut qu’il n’est pas possible de l’ignorer – à moins de le faire volontairement.
Et elle éclabousse ses proches sur son passage – ses enfants en tête –, égratigne leurs défenses, écrase leur confiance et laisse sur leur peau de fines gouttelettes d’amertume et de crainte qui jamais ne sècheront.
Et quand la maladie mentale est là,
tapie,
guettant le moment adéquat pour fondre sur sa proie,
la souffrance n’en est que plus grande.
Elle est couverte d’un voile de fatalisme, d’irrémédiabilité qui désespère autant qu’il emprisonne.
Les proches espèrent, les enfants s’accrochent, on s’émerveille de la plus insignifiante embellie. On y croit dur comme fer: un jour, ça ira mieux.
Mais parfois le mal est trop grand,
la tristesse trop immense,
la colère infinie.
Et il ne reste plus que la contemplation – tragique – du destin qui s’accomplit.
*
C’est cette histoire que nous raconte Delphine de Vigan dans Rien ne s’oppose à la nuit. Celle d’une famille couverte de plaies jamais vraiment cicatrisées, celle de deux filles portant à bout de bras la douleur de leur mère, et celle de Lucile surtout, terrifiante.
Infatigable.
Inextinguible.
Un texte aussi sublime que terrible.
Inoubliable.
« Ma famille incarne ce que la joie a de plus bruyant, de plus spectaculaire, l’écho inlassable des morts, et le retentissement du désastre.
Aujourd’hui je sais qu’elle illustre, comme tant d’autres familles, le pouvoir de la destruction du verbe, et celui du silence. »
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