
J’aime passionnément la langue de Cécile Coulon.
Si nette, si précise, si charnelle.
Je suis admirative de l’autrice qu’elle est, de l’écrivaine qui, roman après roman, texte après texte, dessine une voix nouvelle dans le paysage littéraire.
La voix de l’attachement à la terre, de la vérité des lieux, de la force des bêtes.
J’aime la puissance de son verbe, la capacité qu’est la sienne à donner naissance à des livres fascinants, impossibles à lâcher, débordant de vérité, admirables tout simplement.
Et je suis sincèrement impressionnée par la femme que j’entends en interview, celle que j’écoute attentivement dans l’émission La Source sur France Inter. Je partage beaucoup de ses idées sur la vie, l’atavisme, la capacité d’admettre qu’une vie bonne peut-être caché là, juste là où nous nous tenons, loin d’un hypothétique ailleurs, plus merveilleux et plus valorisant.
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La vie d’Émilienne, c’est le Paradis. Cette ferme isolée, au bout d’un chemin sinueux. C’est là qu’elle élève seule, avec pour uniques ressources son courage et sa terre, ses deux petits-enfants, Blanche et Gabriel. Les saisons se suivent, ils grandissent. Jusqu’à ce que l’adolescence arrive et, avec elle, le premier amour de Blanche, celui qui dévaste tout sur son passage. Il s’appelle Alexandre. Leur couple se forge. Mais la passion que Blanche voue au Paradis la domine tout entière, quand Alexandre dévoré par son ambition, veut partir en ville, réussir. Alors leurs mondes se déchirent. Et vient la vengeance.
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La langue de Cécile Coulon a quelque chose de pugnace. Elle suinte le désir d’en découdre, d’hurler dans les forêts et de se rouler dans la terre meuble. Elle sent le vent qui s’engouffre entre les arbres, et la boue qui colle aux bottes et aux cœurs.
Elle a quelque chose à voir avec la Vérité pure – avec la littérature de Nicolas Matthieu à mon sens également, bien que dans un tout autre registre –, celle des noms, des lieux et des silences.
Celle du temps qui passe.
Le vrai.
Pas celui qu’on l’on regarde filer bêtement, la tête penchée sur un écran, ni celui après lequel on court sans cesse, sans vraiment savoir pourquoi, non !
Le temps, le vrai, celui qui coule dans nos veines avec lenteur, celui que l’on ne peut mesurer qu’en plongeant son regard au travers d’une fenêtre par un jour pluvieux.
Celui qui se rappelle à nous sans cesse, tragique et superbe.
Au titre d’écrivaine du temps qui passe j’ajouterais celui d'écrivaine de la nature. Pas celle que l’on regarde de loin en la trouvant vaguement jolie lorsqu’un rayon de soleil vient balayer sa surface. Celle qui est en chacun de nous (plus ou moins enfouie), celle qui transpire, salit, mouille et suinte. Celle qui ouvre le regard et délit les langues.
Celle qui nous habite, entièrement.
Une bête au paradis est un concentré de tout cela :
Un récit vertigineux narré d’une maîtresse main,
une histoire sidérante de grâce, de colère et de folie,
un morceau de littérature lancé à pleine vitesse dans les tréfonds de nos âmes.
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