Une vie de homard d’Erik Fosnes Hansen est un texte résolument étonnant. Un inclassable comme on aurait tendance à dire aujourd’hui. À la fois loufoque et dramatique, léger et profond, tendre et difficile à appréhender.
L’auteur s’y joue des codes, des rythmes, des narrations, il est partout et nulle part, aussi habile marionnettiste que fin échassier. Il livre un roman dont on peine à savoir quoi penser : a-t-on aimé ? adoré ? détesté ?
Un peu de tout cela sans doute,
peut-être pas.
Nous en sortons emplis de doutes, incertains, statufiés dans une incompréhension délicieuse.
Car il y a du délice au milieu de ces quelques 500 pages. Quelque chose d’impalpable, d’inracontable, mais quelque chose qui fait que l’on n’a pas réussi à faire autrement que d’aller jusqu’au bout. Et avec un indéniable plaisir qui plus est. La recette semblait hasardeuse mais le résultat final n’en est que plus réussi.
Une vie de homard est un livre tout simplement désarmant.
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Sedd est un garçon de quatorze ans, intelligent, cultivé et très réfléchi pour son âge. Il a un sens aigu de ce qu’il faut faire et du comme il faut – non seulement pour sa propre personne, mais également pour un établissement de standing. Car Sedd vit à Fåvnesheim, un vaste hôtel de montagne tenu par ses grands-parents, dans une Norvège qui n’a pas encore pleinement encaissé les dividendes du pétrole.
On va suivre Sedd pendant cette année 1982 où le monde vacille lentement autour de lui, tandis qu’il s’efforce de rester debout. Tels les homards de l’aquarium de l’hôtel, les personnages de cette histoire se cachent sous des carapaces, derrière une accumulation de façades, et ne peuvent ni ne veulent voir ce qui se passe.
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Une vie de homard, le quatrième né de l’auteur norvégien mondialement connu est un roman aussi tragique que cocasse. Malgré le caractère extrêmement détaché de la narration (lié à la personnalité même du jeune narrateur) j’ai été sensible à l’extrême finesse psychologique des personnages du récit. Erik Fosnes Hansen n’explique rien : il donne à voir. Les dialogues n’en sont que plus vrais et ce, malgré leur grande particularité. Et les personnages semblent vivre sur une ligne tendue entre deux falaises respectivement nommées Folie et Déni.
Si j’ai parfois trouvé quelques longueurs au récit, elles ont été largement rachetées par :
- les dernières pages qui expliquent sans expliquer, finissent sans terminer, ouvrent ni plus ni moins – pour notre plus grand plaisir autant que notre plus belle frustration
- la langue de son auteur, vive, ironique et sensible. Chaque phrase brille de malice et d’intelligence. C’est tout simplement impressionnant.
Tu l’as compris, lecteur, si tu es à la recherche d’un texte différent et résolument original, Une vie de homard d’Erik Fosnes Hansen est pour toi !
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