Certains romans ont l’art de nous surprendre.
En embuscade, ils ne se tiennent pas là où on les attendait. Ils se font attendre, se dissimulent, se travestissent.
Et puis un jour, leur essence nous éclate au visage. Voilà ce que je suis, voilà ce que j’étais, semblent-ils nous dire.
1, Rue des Petits-Pas de Nathalie Hug m’a fait cet effet-là.
J’en attendais beaucoup, son synopsis me semblait prometteur et les critiques qui le portaient étaient élogieuses. Pourtant, j’ai passé la première moitié du roman à me demander s’il valait la peine que je continue ma lecture. Je peinais à m’attacher aux personnages, je les trouvais trop nombreux et difficilement différentiables. Et une fois le premier twist mis au jour, je ne parvenais plus à trouver de sens à ma lecture.
Et puis une petite voix m’a chuchoté de persévérer. Parce qu’au bout était la lumière, le chemin, la connaissance. Et il y avait, derrière le personnages de Louise, une immensité à découvrir.
J’ai lu la deuxième moitié d’une traite, passionnée, enivrée.
Je comprenais alors ce que ce roman avait dans le ventre, le cœur et le corps,
pour mon plus grand bonheur.
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Lorraine, hiver 1918. Dans un village en ruine à quelques kilomètres du front, une communauté de rescapés s’organise pour que la vie continue. Louise, orpheline de 16 ans, est recueillie par une sage-femme qui va lui transmettre son savoir : accoucher, bien sûr, mais aussi soigner les maux courants et être l’oreille attentive de toutes les confidences.
Mais dans cet endroit isolé du monde, les légendes nourrissent les peurs et la haine tient le hommes debout.
Dans un univers où horreur et malveillance rivalisent avec solidarité et espoir, Louise tente de se construire.
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1, Rue des Petits-Pas est un magnifique roman d’apprentissage. Dense, sincère, ultra-documenté, il est d’un réalisme aussi cru que bouleversant.
Il dit l’après-guerre comme je ne l’avais jamais lu,
les âmes et les corps dévastés,
la rage chevillée aux cœurs,
et les démons accrochés.
Il raconte la folie, l’horreur et le courage,
l’abnégation et la lâcheté.
Il dit toute la misère humaine que la guerre a laissée derrière elle,
les petits marchandages avec les dieux et les démons,
et la haine des hommes à l’égard des femmes,
toujours,
incessante.
"- Dieu me punit tout le temps, murmurai-je, il ne peut pas s'en empêcher.
-Dieu n'a rien à voir là-dedans, affirma la sage-femme. Crois-moi. Les hommes sont assez stupides pour s'entre-tuer et martyriser les femmes. Et après, on comptera les morts sur le front en oubliant toutes celles qu'on a assassinées autrement."
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"L'histoire de notre profession est absurde, m'avait confié Anne. Au début du siècle dernier, aucun médecin sortant de la faculté n'était formé à l'obstétrique. Ceux qui désiraient apprendre l'art de l'accouchement et de la chirurgie gynécologique étaient instruits par une sage-femme.Cent ans plus tard, ces mêmes médecins nous interdisent l'usage des forceps ou de la césarienne, sous peine d'être emprisonnées, au prétexte inavoué que nous sommes des femmes, donc inaptes et ignorantes."
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