Je n’avais jamais rien lu de tel.
Une langue comme un hurlement.
Un cri venu des tréfonds de la terre.
Une colère vomie.
Une éructation.
— Mais en alexandrins, s’il vous plait.
Le cri du sablier, ce sont trois actes pour dire l’indicible. Raconter une existence marquée par la violence de la figure du père. Dire la famille désintégrée, l’identité morcelée et les ruines à jamais amoncelées. C’est une reconstruction aussi, par la langue,
comme un acte de résilience.
C’est la contemplation de la chute, et l’émancipation par le feu.
Entre ses pages, les souvenirs s’enchevêtrent et les douleurs s’empilent. Le quotidien se voile d’un deuil ignoble. Puis vient l’adolescence, la chair, les gribouillis acides,
et l’émancipation, rugueuse et salvatrice.
Pour les dire : une langue singulière et débordante d’inventions, heurtée, malmenée comme l’enfant qu’était Chloé Delaume.
Une rythmique lapidaire qui prend à corps le traumatisme, le confronte et l’enveloppe.
Une prose démesurée, grouillante, complexe, ardue et magnifique.
Son but : déchirer le silence. Trouver. Poser. Sa voix.
Mettre fin au règne du fantôme tyrannique.
Atomiser la peur, les secrets et soumissions.
Refuser le statut de victime, avec pour arme la Littérature.
Le cri du sablier est un texte sublime et difficile d’accès.
Il prend aux tripes, oppresse et délivre, tout à la fois.
Aussi, et pour en saisir pleinement la substantifique moelle, je ne peux que conseiller de le lire à voix haute. Seule capable de prendre pleinement conscience de sa grandeur.
De sa force et de son caractère éminemment transformateur.
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