Tropique de la violence, Nathacha Appanah.
- loudebergh
- il y a 12 minutes
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Il est des romans qui vous sortent de vous vous-même. Vous en rêvez la nuit, ils hantent votre esprit et votre cœur.
Ce sont eux, là, qui dansent sur le fracas de la du chaos et de la haine.
Ils sont sublimes, ils sont atroces, ils sont violents. Ils sont le monde, plein de taches et de regrets. Ces romans disent tout haut ce que l’on voulait taire, vous plongent le nez dans la fange et disent : regarde. Regarde.
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Tropique de la violence est une plongée dans l’enfer d’une jeunesse livrée à elle-même sur l’île française de Mayotte, dans l’océan Indien. Dans ce pays magnifique, sauvage et au bord du chaos, cinq destins vont se croiser et nous révéler la violence de leur quotidien.
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Nathacha Appanah disait à Richard Gaitet dans le podcast Bookmakers qu’elle ne pourrait pas oublier Mayotte. Après deux années passés là-bas, elle a cru d’abord ne jamais pouvoir écrire sur cette île sublime et infernale. Elle a attendu huit ans puis a cherché les mots. Elle s’est heurtée à mille et une difficultés et a souvent pensé qu’elle n’y arriverait pas.
Et puis elle est retournée dans les Comores. Une fois.
Elle y a trouvé sa voix. Tropique de la violence est né.
Et je n’ai pu en décrocher mes yeux.
Il y a cette langue, avant tout, que je peine à qualifier. Sensible et crue, terrifiante de précision, de grâce, d’absolu. Et capable de faire émerger des images qui resteront longtemps imprimées sur ma rétine. Et puis il y a cette île dont on a tous et toutes entendu parler. Pour ma part, c’était le fait qu’elle était la « première maternité de France » qui m’avait saisi. Toutes ces femmes qui traversaient les mers pour y accoucher, dans l’espoir de voir leur enfant devenir français et connaître un autre destin que le leur. À l’époque où j’envisageais de reprendre mes études pour devenir sage-femme, je m’étais dit : un jour, j’irai là-bas. Comme tant d’autres muzungu.
Et comme tout le monde, j’entrevoyais la réalité de cette terre après un cyclone ou la visite d’un président français.
Mais jamais je ne l’avais comprise ainsi. Par Tropique de la violence, Nathacha Appanah a ouvert une fenêtre dans mon esprit. Ceci est la réalité, m’a-t-elle dit.
Gaza (l’un des plus grands bidonvilles de Mayotte) existe.
Bruce, Marie, La Teigne, Stéphane, Moïse aussi.
Je crois n’avoir jamais lu une telle violence. Une telle hargne. Un tel désœuvrement.
Mais c’est tambour battant que Nathacha Appanah les donne à lire, en faisant parler les vivants et les morts, les oubliés, les laissés pour compte, les abandonnés.
Tropique de la violence est un récit exceptionnel et nécessaire.
Après sa lecture on se dit : les choses doivent changer, cela ne peut continuer ainsi ! Mais ce livre a dix ans, un cyclone a ravagé l’île l’année passée, et il devient chaque jour plus difficile d’inverser la vapeur. Il n’empêche que des fictions de la trempe de celle-ci doivent continuer à germer. Pour qu’un jour, Mayotte puisse renaître à elle-même.
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