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Aliène, Phœbe Hadjimarkos Clarke.


Aliène de Phœbe Hadjimarkos Clarke est un roman hypnotisant. 

Porté par une langue à nul autre pareil, 

vive, inquiétante, pleine de hargne et de sève. 


On le lit sans trop bien comprendre ce que l’on a sous les yeux, 

certain.e pourtant de tenir entre les mains quelque chose d’unique. 

De radical et de beau. 


Au prétexte de mêler mythes anciens (loup garou, bête du gévaudan) et débats plus contemporains (fossé entre la génération actuelle et les boomers, violences policières), Phœbe Hadjimarkos Clarke nous livre un texte exceptionnel sur la violence humaine.

Parfois gore, psychédélique ou fantastique, il entraine son.a lecteur.ice dans un endroit dont rien ne dit s’il réside en plein cauchemar ou dans le monde réel. 


*


Fauvel a perdu un œil suite à un tir de LBD. Elle accepte de garder la chienne du père d’une de ses amies dans une maison isolée à la campagne. Hannah n’est pas un chien comme les autres, c’est le clone de la première Hannah, qui trône empaillée au milieu du salon. Elle suscite les peurs et les reproches muets du village, à mesure qu’on découvre au matin des animaux massacrés, et qu’elle-même rentre parfois ensanglantée. 


Cette situation est le point de départ d’un récit de traque et de cauchemar délicatement progressif, la plupart du temps fantomatique. Jamais l’assaillant n’est clairement nommé, jamais la cible n’est clairement identifiée. Fauvel sait être une proie, mais de qui? Dans le village, un groupe de chasseurs, tous ouvriers ou anciens ouvriers de l’usine d’eau minérale, peu locales et mal lotis par la vie, font naître les fantasmes, tantôt sexuels, tantôt horrifiques. Et plus particulièrement chez Fauvel, coupée du monde par sa conscience éparpillée, et chez Mitch, un jeune sociologue qui enquête sur les récits d’enlèvements par les extraterrestres, nombreux dans la région, surtout chez les anciens ouvriers de l’usine. 


*


En quelques pages à peine, l’autrice construit un monde. Touffu, inquiétant, étrange, régi par des règles qui lui sont propres. 

Fauvel, jeune femme traquée par la vie, y flotte tristement, un pétard à la main.

Avec son œil crevé, n’est-elle pas ce cyclope qui observe d’autant mieux qu’il ne regarde que d’un seul œil? 


La langue – hyper contemporaine, rarement vue – 

qui porte cette plongée enfumée est belle et juste. Parfois crue, toujours tenue. 

C’est celle d’une époque, mâtinée d’argots et de préciosités, faisant de son autrice une styliste superbe, la liberté en étendard. Là est sa grandeur : cette magnifique capacité à mixer les genres (gothiques, sciences fictions, contes de fée, philosophie). 


Aliène est une bouffée de littérature, le roman contemporain par excellence, porté d’une maîtresse main. C’est une voix. Qui dit merveilleusement la peur et la colère d’une génération. 

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