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  • Photo du rédacteurloudebergh

La maternité, qu'est-ce que ça change?, Ingrid Thobois.


« La maternité, ça change que l’oiseau éviscéré sur le trottoir a le droit d’être seulement endormi. »

A-t-on déjà trouvé plus juste définition? Capable de rendre compte de l’existence d’une sensibilité de l’avant et de l’après? 

De ce type de perle, le tout petit livre d’Ingrid Thobois regorge. 

Et quel bijou que ce texte! Quelle intelligence, quelle finesse! 

Sa lecture devrait-être rendue obligatoire à toute personne touché.e de près ou de loin par la parentalité. 


*


C’est sans tabou qu’Ingrid Thobois dépeint les transformations qu’opère la maternité, dans un texte débordant d’amour et d’humour. N’épargnant pas la mère qu’elle est devenue, bien loin des idéaux et des clichés, l’autrice nous entraine dans une expérience qui renverse les catégories du banal et de l’extraordinaire. De scènes de crise aux instantanés de tendresse fracassante, chaque lectrice et chaque lecteur se retrouvera sur la photo de famille dont la maternité vient faire bouger les rangs. 


« On ne dit jamais comme la maternité est un devoir d’intelligence. Qui consiste à proposer le monde sans imposer la route. »


*


Tout au long de ces quelques 80 pages, l’autrice nous propose de regarder la maternité comme un endroit. Une géographie, une zone de passage, une piste d’atterrissage. 

Comme un lieu, somme toute. 

On y rentre, on en sort, on y passe, ça se traverse. 


De la grossesse (expérience absolue du corps partagé) à l’éducation (expérience absolue du corps distancié), en passant par la naissance (expérience absolue du corps traversé), elle nous offre un regard aussi bouleversant que sensible sur cette succession d’états éphémères qu’implique la maternité. 

Le résultat est un voyage au long court, une expérience « ayant pour point de départ un fantasme et pour port d’arrivée un enfant puissant comme le vent, changeant comme la lumière ». 


Dans son sillage, 

un regard sur le labeur véritable que peut être le travail d’une mère, 

la recherche incessante de l’alternative à la plus petite des violences, 

l’invitation à préserver les minuscules libertés des petits enfants, 

et quelques mots sur les limites à poser, non aux enfants, mais aux parents incapables de se les poser eux-mêmes. 


J’y ai lu des (dizaines) de passages tremblants de justesse. 

En voici un: 

« J’ai fini par comprendre, sans toujours réussir à m’en souvenir, que derrière chaque mot, chaque phrase de mes enfants, il y a neuf fois sur dix un autre mot, une autre phrase tapis, qui sont ceux à entendre ; que derrière un besoin exprimé, il y a la plupart du temps une question existentielle et affective ; que derrière une obsession vestimentaire, il y a fréquemment une phobie ; que derrière un refus alimentaire, il y a en général une angoisse ; que derrière une indifférence, une dureté, il y a souvent un amour trop grand pour pouvoir être exprimé à un adulte qui ne sait pas ou qui sait mal recevoir, qui n’a rien décodé, pas même envisagé qu’il le faille. »


J’ai aimé l’intelligence de l’autrice, son regard sur la vie, et sa radicalité aussi. 

Aimer ne suffit pas, affirme-t-elle. 

J’en suis convaincue. 

Car on peut aimer mal, engloutir, ne pas tenir compte de l’Autre. 

Parfois, aimer son enfant, c’est « lui foutre la paix, l’écouter, l’accepter tel qu’il est, au lieu de nous croire pourvoyeurs de tout, notamment de modèles ». 


J’ai été sensible à cette idée de l’avant et de l’après. Pas uniquement en ce qui concerne les rythme des journées et des nuits, et les tasses de café jamais finies, mais bien le regard porté sur le monde. Être parent, c’est regarder le monde avec ses yeux et ceux de son enfants à la fois, c’est le décrypter pour soi autant que pour lui.elle. 

C’est être capable - toujours - du pas de côté. 

« Depuis que je suis passée mère, une chose ne se limite plus à une chose. Tout objet est dorénavant pourvu d’un sillage, et peut-être destiné à devenir empreinte, pour ne pas dire fossile. » 


J’aimerais penser que ce texte a déjà changé la mère que je suis. Et qu’il va continuer à le faire. Changer le regard que je porte sur ce statut « acquis » il y a quatre ans, sur cet endroit, cet océan. 

J’aime à penser que grâce à lui, grâce à ses mots, mes pensées se sont orchestrées, ma vision s’est affûtée, mon cœur s’est emporté. 

Et je souhaiterais de toute mon âme qu’il en aille de même pour vous, toutes et tous, pour vous et pour vos enfants. 

Car "même si la maternité, ce ferme engagement du bon usage de l’esprit, est peut-être d’abord un aveu d’échec, elle offre la possibilité sans cesse renouvelée de chercher la sincérité en soi, qui est peut-être ce qu’il y a de meilleur chez une mère, à l’égard d’un enfant qui n’a comme personne la constance d’aimer. »


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