Brittany, Larissa Behrendt
- loudebergh
- il y a 7 jours
- 3 min de lecture

Les romans sont des étoiles.
Ou des cailloux, c’est selon.
Ils sont joyaux, perles, graines et sont vivants.
Ils sont flammes, clés de voûte, réceptacle.
Ils sont ce que nous voulons qu’ils soient et tout l’inverse aussi : ce que nous recherchons parfois, ce que nous fuyons aussi et ce que jamais nous ne leur donnerons.
Ils sont de véritables trésors
tachons de ne pas l'oublier.
Brittany de Larissa Behrendt m’a touchée plus que je n’ai bien voulu l’admettre de prime abord. Il ne répond pas de ce que l’on nomme communément Littérature en ce qu’il fleure bon ce que d’aucuns nomment « bons sentiments » et fourmille de tournures qui souvent m’ont hérissé le poil.
Et pourtant.
Je l’ai trouvé magnifiquement juste. Simple. Droit. Bon.
Honnête et sensible.
Touchant et vrai.
*
Jasmine et sa mère Della, deux femmes aborigènes de Nouvelle-Galles du Sud, partent en Angleterre sur la piste des grands noms de la littérature britannique, de Shakespeare à Virginia Woolf en passant par Jane Austen et les soeurs Brontë. Après un deuil difficile et un drame qui a fait voler en éclat leur famille, chacune espère que ce voyage leur permettra de retisser des liens. Point de départ, le musée de Sherlock Holmes à Londres. Voilà le petit groupe parti sur les traces d’une histoire britannique que Della et Jasmine viennent tour à tour, chacune à sa manière, questionner, dépoussiérer, et souvent bousculer à la lumière de leurs expériences. Jasmine s’immerge dans l’univers littéraire de ses idoles tandis que Della retrouve l’envie de se reconnecter à l’art narratif aborigène et à sa communauté. Ce périple est aussi pour la mère et sa fille l’occasion d’apprivoiser le passé qui les hante.
*
C’est d’abord le fait que ce roman aborde un pan de la littérature anglaise qui m’a attirée. Parlez-moi de Jane Austen, de Virginia Woolf ou des Sœurs Brontë, et voilà que j’accours, toutes sirènes hurlantes, le sourire aux lèvres et les oreilles grandes ouvertes.
Parlez-moi de ces autrices à l’intérieur d’un roman : je suis aux anges, littéralement.
Faites faire à vos personnages le voyage que je rêve de faire, me voilà avec vous, avec elles, dans leur cénacle, l’esprit bouillonnant, les idées en pagaille.
De ce côté-là, il faut admettre qu'avec Brittany, Larissa Behrendt m’a servi sur un plateau un petit rêve bien emballé dont je n’avais plus qu’à me délecter.
Mais c’est l’histoire de cette mère et de sa fille qui m’a le plus touchée. Et si elle est pleine de facilités et que les ficelles sont parfois grosses comme des cordes, je lui ai trouvé une sensibilité et une justesse folle. Je me suis passionnée pour ces retrouvailles en terres littéraires et ce retour aux sources familiales dans un pays bien éloigné du leur. J’ai aimé leur façon d’écouter et de prendre soin de l’une et de l’autre. J’ai trouvé dans l’attitude de Della une sagesse plus grande que la terre et dans celle de sa fille un horizon. J’ai aimé l’idée du fameux conflit « nature-culture » joyeusement dézingué par la réalité de la vie. Son regard profondément anticolonialiste, féministe et passionné.
Brittany est une formidable quête au beau milieu du monde des Lettres anglaises.
Un voyage mené tambour battant par une mère et sa fille, vers des sources bien différentes de celles qui étaient indiquées dans le flyer de présentation du tour. C’est un texte sensible, juste et délicat sur les liens que l’on tisse et ceux que l’on peine à ne pas abîmer. Un roman qui éclaire le chemin,
sans s’en en avoir l'air. Modestement
…et brillamment.
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