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Connemara, Nicolas Mathieu.

Dernière mise à jour : 13 juin 2023


J’avais été littéralement soufflée par Leurs enfants après eux (Prix Goncourt 2018): une langue si brute, si pure, si géniale, c’était aussi inouï que délicieux. J’étais ressortie de ma lecture chancelante et fascinée.

Avec Connemara, Nicolas Mathieu tape à nouveau dans le mille et réitère l’exploit d’un roman parfaitement ficelé, passionnant et incroyablement écrit.


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Hélène a bientôt quarante ans. Elle est née dans une petite ville de l’Est de la France. Elle a fait de belles études, une carrière, deux filles, et vit dans une maison d’architecte sur les hauteurs de Nancy. Elle a réussi. Et pourtant le sentiment de gâchis est là, les années ont passé, tout a déçu.

Christophe, lui, n’a jamais quitté le bled où il a grandi avec Hélène. Il a mené sa vie à petits pas, privilégiant les copains et la teuf, remettant toujours au lendemain l’âge des choix. Aujourd’hui, il vend de la bouffe pour chien, rêve de rejouer au hockey comme à seize ans, vit avec son père et son fils. On pourrait penser qu’il a échoué. Et pourtant il croit dur comme fer que tout est encore possible.


L’éditeur ajoute :

Connemara, c’est cette histoire de comptes qu’on règle avec le passé, et l’envie soudaine de tout recommencer. Mais c’est aussi la naissance d’un amour, qui se cherche par-delà les distances, dans un pays qui chante Sardou et va voter contre soi.


*


Inutile d’y aller par quatre chemins, j’ai – une fois de plus – été subjuguée par le talent de Nicolas Mathieu. Le considérer comme l’un des plus grands auteurs contemporains ne me semble pas galvaudé tant ses textes sont brillants, sensibles et précis. C’est la perfection à l’état brut, l’art de l’écriture juché à son plus haut niveau.

Car Connemara sonne juste. Si juste que l’on a le sentiment d’y être, de connaître les hommes et les femmes qui en peuplent le récit, d’avoir vécu avec eux.

C’est la France des classes moyennes, celle dont les bagnoles brûlent les kilomètres par dizaine de milliers, celle des repas de mariage partagés sur des nappes en papier dans la salle des fêtes du bled d’à côté, celle des matchs de hockey survoltés, des fins de mois difficiles et des pavillons individuels proprets.


Régulièrement, Nicolas Mathieu nous donne à lire sur instagram de plus ou moins longs textes au sujet de ce que l’on appellerait communément la vie et tous frisent le petit miracle. Je me délecte de les voir passer sur mon fil d’actualité, anticipant le plaisir de lecture à venir, le bonbon acidulé que l’on sait dans la poche.

Mais avec Connemara – comme avec Leurs enfants après eux – c’est sur plus de 500 pages que le phénomène s’étend. Chaque phrase est si brûlante que c’en est renversant. Les personnages sont complexes, tendres et perdus, désirables et repoussants. Ils sont ce que nous sommes, leur vie s’emmêle les pieds dans la nôtre, avec humour, naïveté et douleur.


« Mireille est en proie à des sentiments contradictoires, d’admiration et d’inquiétude, des sentiments de mère, qui s’étonne de voir son bébé devenu cette grande bringue avec des fesses de femme et des réactions de gamine, cette chevelure de Madeleine et les ongles rongés, qui traînaille au lit et veut faire les grandes écoles., cite des écrivains et ne sait toujours pas mettre son linge sale au panier, prononce des mots méconnus et renifle son t-shirt pour savoir si elle pourra le mettre un jour de plus, mange encore parfois ses nouilles avec les doigts, distraitement, et s’étire comme un chat à la fin du repas après avoir saucé son assiette avec du pain, une gamine qui veut des talons et la pilule. Elle la regarde, prise dans le chassé-croisé des espérances et de la peur. »


Alors si vous ne deviez lire qu’un auteur contemporain par les temps qui courent, lisez Nicolas Mathieu. Parce qu’on ne croise pas une telle langue – neuve, inventive, moderne et radicale – tous les quatre matins, et qu’il serait franchement dommage de passer à côté !



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