top of page
Rechercher
  • Photo du rédacteurloudebergh

Fahrenheit 451, Ray Bradbury


C’est la préface de Jacques Chambon qui m’a immédiatement attrapée, et les mots suivants notamment : « il y a plus d’une façon de brûler un livre, l’une d’elle, peut-être la plus radicale, étant de rendre les gens incapables de lire par atrophie de tout intérêt pour la chose littéraire, paresse mentale ou simple désinformation. »

Cette phrase a résonné très fort en moi. Et avec elle, le terme « économie de l’attention » que l’on voit brandi ici et là, sans cesse et pour tout.

Voilà qu’un roman, écrit en 1953, dessinait déjà les racines du mal qui ronge nos sociétés occidentales, gangrenées par des capacités d’attentions morcelées, incapables, et appelées à devenir peaux de chagrin dans les années à venir. 

Avec pour conséquences les désastres que l’on imagine sans peine. 


*


451 degrés Fahrenheit représente la température à laquelle un livre s’enflamme et se consume.

Dans cette société future où la lecture, source de questionnement et de réflexion, est considérée comme un acte antisocial, un corps spécial de pompiers est chargé de brûler tous les livres dont la détention est interdite pour le bien collectif. 

Montage, le pompier pyromane, se met pourtant à rêver d’un monde différent, qui ne bannirai pas la littérature et l’imaginaire au profit d’un bonheur immédiat et consommable. Il devient dès lors un dangereux criminel, impitoyablement pourchassé par une société qui désavoue son passé. 


*


Les dystopies sont des textes en perpétuel mouvement. Porteurs d’une mission claire et définitive: éveiller, réveiller, soulever. 

Ce mouvement constant ne peut que contaminer le.a lecteur.ice que nous sommes et nous entraîner dans un ailleurs de la pensée. Le texte entre nos mains donne corps à des idées émergentes, enveloppe nos pressentiments d’une gaine inquiétante, questionne la plus petite de nos certitudes. 


Si j’avoue ne pas avoir été emportée sur un plan littéraire pour ce classique du genre, je dois lui reconnaître le parfait respect de sa mission. Fahrenheit 451 m’a fait regarder de côté et m’interroger. La société complètement abrutie derrière ses murs écrans hurlants à qui mieux mieux, recherchant à toujours maximiser son bien être, et vivre dans un état de tranquillité tel qu’il s’apparente surtout à du vide, n’est-elle pas celle que l’on voit émerger aujourd’hui? 

N’est-il pas dramatique de constater que nos capacités d’attention et de concentration ont si drastiquement diminué qu’elles dépassent à peine les sept ou huit minutes?

Comment continuer à réfléchir, conceptualiser, penser la complexité du monde, si nos cerveaux ne peuvent plus maintenir leur attention? Et vers quels dangers politiques, démocratiques, éthiques cela peut-il nous mener? 

Le roman culte de Ray Bradbury a le mérite d’avoir su si bien grossir le trait dans les années 50 qu’il se révèle tristement convainquant aujourd’hui. 


Nous avons besoin de mots pour dire et ressentir, de phrases pour vivre et penser, de textes pour réfléchir et s’ouvrir. Penser l’altérité, le complexe, le touffu. Le gris, l’incertain, l’incompréhensible.

Nous avons besoin d’imaginaires pour nous élever au-dessus des contingences et bâtir un monde plus juste et plus clément. 

Nous avons besoin de romans, de poésies, des vers, pour toucher du doigt le sel de notre humanité et nous rappeler que nous pouvons êtres autre chose que des tondeurs de pelouse : nous pouvons faire le choix de devenir jardiniers. Car la différence entre l’homme qui ne fait que tondre le gazon et le vrai jardinier réside dans le toucher. L’homme qui tond pourrait tout aussi bien n’avoir jamais existé ; le jardinier, lui, existera toute sa vie dans son œuvre. 


Les livres sont là pour nous le rappeler : « Vis comme si tu devais mourir dans dix secondes. Regarde le monde. Il est plus extraordinaire que tous les rêves fabriqués ou achetés en usine. Ne demande pas de garantie, ne demande pas la sécurité, cet animal-là n’a jamais existé. Et si c’était le cas, il serait parent du grand paresseux qui reste suspendu toute la journée à une branche, la tête en bas, passant sa vie à dormir. Au diable tout ça, disait-il. Secoue l’arbre et fais tomber le paresseux sur son derrière! ».



22 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Comments


bottom of page