Les Hauts de Hurlevent, Emily Brontë.
- loudebergh
- il y a 4 jours
- 3 min de lecture

Jane Eyre de Charlotte Brontë est probablement le roman que j’ai le plus lu de ma vie. En français d’abord, en anglais ensuite, je crois l’avoir fait mien bien quatre ou cinq fois. Et toujours, le ravissement fut identique. Si chaque lecture amenait son lot de nouveautés, elles ont toujours été vécues avec bonheur. Et je suis aujourd’hui persuadée que je ne serai pas la lectrice que je suis sans cet incroyable roman.
Pourtant, de tous les textes des sœurs Brontë, Les Hauts des Hurlements reste celui que la critique a le plus encensé, celui que les années ont salué, celui qui a été considéré comme LE livre qui a fait basculer la littérature anglaise :
la noirceur par excellence, le plus grand roman d’amour de tous les temps.
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Lorsque Mr Earnshaw ramène d’un voyage un enfant abandonné, Heathcliff, les réactions de ses enfants évoquent les orages qui s’abattent sur le domaine des Hauts du Hurlevent. Le fils Hindley n’accepte pas cet enfant sombre et lui fait vivre un enfer. La fille, Catherine, se lie très vite à lui, d’un amour insaisissable et fusionnel. Tous trois grandissent, dans cet amas de sentiments aussi forts qu'opposés. Heathcliff devient un homme sans scrupule, qui jure de se venger des deux hommes ayant empêché le déploiement de son amour : Hindley, le frère ennemi, et Edgar, le mari de Catherine. La destruction de ces deux familles et de leurs descendances constitue alors son seul objectif. Dans les paysages sauvages et immuables des landes du Yorkshire, les déchirements sont nombreux, et cohabitent dans une passion extrême et des tourments destructeurs…
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Les Hauts de Hurlevent, c’est le roman moralement indéfendable car associant l’amour à la violence, à la démesure, au déchirement et à la mort, à la menace constante, à la vengeance. Avec fureur et obstination, Heathcliff s’acharne envers et contre tout à retrouver la pureté de son amour d’enfant, dédaigneux des logiques adultes, et des calculs sociaux. Ravagé par la douleur, il ne peut trouver que dans le Mal la réponse à l’exigence folle et sans limite qui le consume, un Mal à la mesure de sa passion dont il ne parvient pas à faire le deuil. Heathcliff, c’est la démesure, la fermeté d’âme et l’énergie inouïe. Odieux au-delà de toute limite, porté par un désir de vengeance plus grand que lui, il s’enfonce dans une noirceur infernale jusqu’à perdre toute forme de compassion, de pitié pour les autres. Jusqu’à en devenir inhumain. Se condamnant ainsi à la solitude la plus extrême. Honni de tous, détesté par tous les membres de sa maison. Et que dire des autres êtres qui habitent ce roman? Batailleurs, torturés, souffrants. Le tout dans une lande battue par les vents et la neige, sauvage et mystérieuse.
Aussi – et c’est probablement ce qui rend ce texte si exceptionnel – il semble complètement inimaginable que l’on doive cette leçon de ténèbres à une jeune fille – Emily Brontë – une innocente, qui jamais ne quitta son village du Yorkshire, qui n’eut d’autres amours que la lande et le vent et qui jamais ne se départit (durant sa courte vie) d’une tenue morale exemplaire.
On comprend aisément combien ce roman a pu bouleverser la littérature anglaise. Voilà un texte mature et brillant qui ne mâche ni ses mot ni sa verve. Et si certains passages portent en eux le poids des années qui les éloignent de nous, ils nous embarquent dès les premières pages dans une folie vengeresse portée par une plume précise et emportée, celle d’une jeune femme à l’esprit hors du temps, passionné et rebelle.
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