Les trois cœurs du poulpe, Raluca Antonescu.
- loudebergh
- il y a 1 heure
- 2 min de lecture

Il est des romans dans lesquels on plonge tête la première.
On ne sait trop pourquoi.
Ils vous happent. Vous emportent. Et vous mangent le cœur.
Les voilà se délectant de vos pensées et de vos chair.
Vous avez été piégé.e,
pieds et poings liés
Et ravi.e. Si loin qu’il vous est bien difficile de revenir à la terre ferme – ou à d’autres lectures.
Les trois cœur du poulpe de Raluca Antonescu m’a aspirée, littéralement.
Brûlée.
Entamé quand le jour cédait sa place à la nuit, je le termine quelques heures plus tard les jambes chauffées par le soleil qui s’écrase sur mon balcon. La tête pleine de questions et puis cette phrase d’une amie : mais Louise, la poésie ça ne s’explique pas !
Alors je m’applique : ne pas chercher outre mesure ce qui m’aurait échappé. Laisser le texte suivre son cours dans mon cœur, le regarder emprunter les méandres de mon cerveau, glisser sous ma peau, comme un serpent, comme un poulpe.
Et contempler : l’état dans lequel me laisse ce roman, sublime et hésitant.
L’admiration rivée à la pupille, la joie et la tristesse en bandoulière.
*
Suite à un drame, Evan devient propriétaire d’un hôtel luxueux aux Açores, sur un site époustouflant mais difficile d’accès. L’ouverture est imminente et l’échec inconcevable, selon le mot d’ordre tu veux, tu peux. Sa fille Anël, neuf ans, dotée d’une mémoire prodigieuse et d’un vif intérêt pour les animaux, veille sur lui. Leur quotidien est millimétré jusqu’à l’arrivée de Vicki, sœur aînée d’Evan à qui il fait appel après un silence de plus de dix ans. Rien ne se passera comme prévu sur cette île volcanique où règne une météo déroutante. Le roman s’inspire de l’histoire du Monte Palace à São Miguel, dont les immenses ruines incarnent la discordance entre luxe et nature sauvage.
*
Dans Les trois cœurs du poulpe, il est question de renaissance et d’hubris, de tristesse insondable et de perte de soi, de retrouvailles aussi – avec les autres, avec soi-même. Il est question d’une petite fille qui comprend ce qu’on ne lui explique pas, de verres laissés sur le sol dans l’espoir de voir l’eau se répandre sur la moquette, du désir comme un gouffre de ne jamais remonter d’une plongée et d’un ponton sur lequel tous les jours sont égrainées les secondes. Il y est question d’un gardien bourru et de ses chiens, d’un hôtel désespérément vide et d’une histoire d’amour qui ne verra jamais le jour, de soulagement, de délivrance et d’abandon. Et puis d’amour que les mots ne savent pas dire dans une nature aussi farouche que les êtres qu’elle porte.
Mais pour moi, ce livre, c’est d’abord une atmosphère, une étrangeté.
Raluca Antonescu parvient, dès les premières lignes, à nous faire plonger (complètement) dans son monde de fiction. Entre ses mots nous sommes comme immergés, pris dans ses filets, et main-tenus – regardant la vie se déposer devant nous.
C’est beau, c’est tendre, c’est grandiose.
C’est l’intelligence même dans un berceau de poésie. Une merveille.
À paraître le 22 août 2025.
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