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Photo du rédacteurloudebergh

Life and fate, Vasily Grossman.


Roman russe lu en anglais dans une traduction de Robert Chandler.

Le XIXème siècle russe tenait son grand roman, son épopée, sa fresque historique, en la merveilleuse Guerre et la paix de Tolstoï.

Le XXème siècle ne fut pas en reste : Life and fate est aujourd’hui considéré comme LE grand roman russe de la période. Un livre qui pourtant, faillit ne jamais voir le jour : en 1960, le roman fut « arrêté » par le KGB, les brouillons brûlés et les rubans encreurs de la machine à écrire utilisée pour sa rédaction, détruits. Life and fate semblait à jamais perdu.

Heureusement, les sursauts de l’Histoire font parfois bien les choses, et grâce à deux copies dissimulées pendant des décennies, le manuscrit put être traduit et publié en Suisse en 1980. Il fallut attendre la glasnost pour qu’il paraisse en Russie en 1989.

Mais trêve d’histoire maintenant !

Ce récit, tout le monde le connaît. Depuis ses débuts, l’ouvrage n’a cessé de faire scandale, il a terrifié le monde politique soviétique, a glacé l’Europe de la guerre froide et a relevé haut la main le défit lancé par le bien connu Archipel du Goulag de Solzénicyn.

« And the source of all these hopes is one and the same – the life-instinct itself, blindly rebelling against the terrible fact that we must all perish without trace. I look myself and simply can’t believe it: can we really, all of us, already be condemned, about to be executed? The hairdressers, the cobblers, the tailors, the doctors, the stove-repairers are still working. A little maternity home has even been opened – or rather, the semblance of one. People do their washing, linen dries on the line, meals are prepared, the children have been going to school since the first of September, the mothers question the teachers about their children’s marks.”

Car Life and fate était dangereux.

Près de 900 pages de vérités exposées sans concession, de récits séditieux, de dénonciations d’un système que personne alors n’osait faire.

Et surtout, et pour la première fois, une mise en parallèle de deux régimes totalitaires : l’Union Soviétique de Staline et le Troisième Reich d’Hitler. Deux régimes également capables des pires atrocités, des plus terribles abominations.

Son auteur fut pendant longtemps un écrivain et journaliste communiste d’une orthodoxie absolue, suivant l’Armée rouge sur les différents fronts et découvrant avec elle les ruines fumantes du camp de Treblinka.

Pourtant, lorsque Vasily Grossman entreprit, en 1952, cette immense fresque consacrée à la bataille de Stalingrad, il n’était plus le même homme. Il avait assisté au déchainement de l’antisémitisme dans son propre pays, vu pleuvoir les procès insensés et les dénonciations en cascade. Il avait vu ce que le Stalinisme avait de plus sombre, de plus caché, de plus sordide.

Frappé par les similarités entre deux systèmes politiques opposés, il décida de repenser l’histoire du siècle et faire de l’enfer un monstre à deux visages.

Cet hydre bicéphale prit la forme d’un immense roman : un millier de pages, près de 150 personnages , des centaines de courts chapitres dessinant d’innombrables et fascinant tableaux, une kyrielle d’intrigues s’enchevêtrant, une série de relations se dessinant au fil des pages, et une montée en puissance de la peur indéniable. A l’incroyable récit de la bataille de Stalingrad qui fit basculer la guerre dans une seconde phase, se mêlait celui de la famille Shaposhnikov, aux ramifications multiples, disséminées en Allemagne, à Moscou, à Stalingrad, à Kazan, en Sibérie et dans les montagnes de l’Oural.


« Khmelkov had been taken prisoner in July 1941. He had been beaten over the head and neck with a rifle-butt, he had suffered from dysentery, he had been forced to march through the snow in tattered boots, he had drunk yellow water tainted with fuel-oil, he had torn off hunks of black, stinking meat from the carcass of a horse, he had eaten potato peelings and rotten swedes. All he had asked for, all he had wanted, was life itself.”

Avec force de détails, Grossman donne naissance à une immense tapisserie décrivant une époque durant laquelle l’inimaginable et l’horreur côtoient les plus splendides passions. Il nous donne à voir un peuple dans toute son humanité, une population civile affamée, terrée dans les caves de Stalingrad, des soldats d’une terrifiante jeunesse envoyés au combat comme à l’abattoir, des scientifiques terrassés de découvrir leurs découvertes jugées « antisoviétiques » par le pouvoir en place, des hommes reniés, des dizaines d’« ennemis du peuple » envoyés dans un goulag sibérien, des milliers de femmes et d’enfants conduits vers les chambres à gaz sans autre forme de procès, des grand-mères éplorées d’avoir vu tous leurs enfants disparaître, des prisonniers ravagés dans un camps de concentration allemand.

J’avais peur en entamant cette impressionnante lecture de me perdre dans ce tableau démesuré, de ne pas être touchée par cette fresque historique trop documentée, d’être ennuyée par d’incessants épisodes de batailles (qui, je dois l’avouer, m’avaient quelque peu déstabilisée lors de ma lecture de Guerre et Paix), de ne pas bien saisir les différentes considérations idéologiques et philosophiques des personnages. D’être désemparée face à l’ampleur de la tâche, somme toute.

Mais je dois avouer qu’il n’en fut rien. J’ai été subjuguée par la force du récit, son intensité rare, sa fougue, son interminable progression vers le point culminant de l’horreur.

J’ai aimé ses personnages si humains, si beaux, si purs et si faibles tout à la fois, leurs émotions partagées, leurs amours, leurs espoirs et leurs combats. J’ai goûté le plaisir de me sentir moins béotienne au cœur de cet effroyable siècle, de comprendre certains enjeux géopolitiques que je n’avais pas fait miens jusqu’alors et de prendre conscience de certains terribles mécanismes de « l’œuvre » totalitaire.

J’ai enfin été saisie par l’ampleur de l’œuvre, sa grandeur, la force de caractère de son auteur et l’importance que ce roman a eu dans le cours de ce que l’on peut appeler Histoire avec un grand H.

« Life must indeed conceal some strangely obtuse inertial force. How was it that the dazzling energy of Hitler and the terrible power of a people moved by the most progressive of philosophies had led to the quiet banks of a frozen Volga, to these ruins, to this dirty snow, to these windows filled with the blood of the setting sun, to the quiet humility of these creatures watching over a steaming cauldron of horsemeat? »

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