Moi qui n'ai pas connu les hommes, Jacqueline Harpman.
- loudebergh
- il y a 13 minutes
- 3 min de lecture

C’est LE texte que l’on a vu passer partout : sur les réseaux sociaux et dans les chroniques de tout poil, dans les articles et les discussions, il était LE texte qu’il fallait lire : une dystopie publiée en 1995 ayant connu un retour foudroyant depuis que la communauté BookTok s’en est emparée.
Et on le comprend bien. Avec Trump au pouvoir, la catastrophe écologique annoncée, les mouvements masculinistes en plein essor et les reculs que connaissent les droits des femmes ici et là, les jeunes sont nombreux.ses à se plonger dans les grandes dystopies. Là dessus, rien d’étonnant.
Rien d’étonnant de fait à ce que Moi qui n’ai pas connu les hommes ressorte du tiroir et soit partout réédité.
*
Elles sont quarante, enfermées dans une cave, sous la surveillance de gardiens impassibles. La plus jeune - la narratrice – n’a jamais vécu ailleurs. Si les autres femmes ne se rappellent pas comment elles sont arrivées là et n’ont aucune notion du temps, il leur reste un vague souvenir de leur vie d’avant, qu’elles lui transmettent.
Mystérieusement libérées de leur geôle, elles entreprennent une longue errance à la recherche d’autres humains – ou d’une explication – sur une terre désertée.
L'éditeur.ice ajoute:
On a pu parler de Franz Kafka, de Paul Auster ou de Dino Buzzati au sujet de cette œuvre à la fois cauchemardesque et implacable, singulière et bouleversante. Trente ans après sa première publication en France, Moi qui n’ai pas connu les hommes, véritable best-seller outre-Manche et outre-Atlantique, en cours de traduction dans vingt-sept langues, est en passe de devenir le livre de chevet de toute une génération.
*
Sur le papier, le phénomène me plait. J’aime qu’un texte resté tout à fait confidentiel, explose trente ans plus tard, par la seule force de la conjoncture. Cela témoigne du pouvoir de la Littérature, de sa puissance, si réelle encore, de sa capacité à expliquer, forger, panser.
Rien ne le prédestinait et paf, ledit texte parade en tête des ventes et fait l’objet de mille spéculations.
Mais – et c’est là qu’à mon sens le bât blesse – et comme c’est parfois le cas lorsque les phénomènes émergent des réseaux sociaux, ils portent en eux une certaine vacuité qui peut laisser chancelant.e.
On apprend dans la préface du roman que Jacqueline Harpman a écrit la trame de Moi qui n’ai pas connu les hommes en une nuit alors qu’elle était en vacances en Ardèche. Que l’idée était de forger un récit cohérent dans le monde déjà illisible qu’était le sien, de transmettre une langue, une parole, un amour des mots, afin de faire vivre ses plus beaux fantasmes de liberté.
Soit.
Mais je vous avoue que, bien que plus que portée vers ce genre de récit, je suis restée à la porte.
Oh j’ai lu le roman de Jacqueline Harpman en entier, soyez-en sûr.e.s, et non sans un certain plaisir parfois. Mais comme La Petite (personnage principal du roman) je n’ai fait qu’attendre. Le décollage. L’envolée. Quelque chose.
La langue est belle, le propos juste mais…
Je n’ai su lire l’intention derrière ces quelques 264 pages. Le besoin qui avait présidé ces pages, la nécessité de les avoir là, ici, et comme ça.
Et si j’imagine que le but de la manœuvre – au moins à la marge – était ce sentiment de vide, cette incompréhension magistrale, ce désarrois puissance dix, il a sonné à mon cœur comme une déception.
Il est des dystopies féministes autrement plus importantes que celle-ci à redécouvrir : plus complexes, plus ouvragées, plus sensibles. Le tout est de savoir si BookTok saura les lire.





Commentaires