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  • Photo du rédacteurloudebergh

No home, Yaa Gyasi.


C’est avec une pointe de déception que je referme No home de Yaa Gyasi, un roman pourtant encensé de toutes parts, fleuri des critiques les plus dithyrambiques et bien souvent comparé aux plus grands textes de Toni Morrison.

 

Nous sommes au XVIIIème siècle, au plus fort de la traite des esclaves. Effia et Esi naissent de la même mère, dans deux villages différents du Ghana. La sublime Effia est mariée de force à un anglais, le capitaine du Fort de Cape Coast. Leur chambre surplombe les cachots où sont enfermés les captifs qui deviendront esclaves une fois l’océan traversé.

Effia ignore que sa sœur Esi y est emprisonnée, avant d’être expédiée en Amérique où, des champs de coton jusqu’à Harlem, ses enfants et petits-enfants seront inlassablement jugés pour la couleur de leur peau. La descendance d’Effia, métissée et éduquée, connaît une autre forme de souffrance : perpétuer sur place le commerce triangulaire familial puis survivre dans un pays meurtri pour des générations.

 

Le décor est campé et le récit se transforme en une longue navigation entre Afrique et Amérique retraçant le destin d’une famille à l’arbre généalogique brisé par la cruauté des hommes. Cet arbre, sur huit générations édifié, se dresse en première page du roman et c’est heureux car il est parfois nécessaire d’y jeter un oeil au cours de la lecture pour s’assurer que l’on est bien du bon côté de la famille.

Si l’ambition du roman est indéniable, la plume soignée et l’intrigue intéressante, j’ai été gênée par le rythme de No home. Je n’ai pas aimé cette accumulation de personnages dévoilés, chapitre après chapitre, comme dans une infinité de romans miniatures. On finit par s’y laisser nonchalamment porter sans pleinement s’investir ni tenter de s’attacher à ces hommes et femmes au destin pourtant incroyable, ayant compris que l’on sera amené à s’en séparer bien vite, quelques pages plus loin. Je n’ai pas non plus été transcendée par la fin du roman que j’ai trouvée un peu « facile » et attendue.

Pourtant, No Home se trouve être un remarquable morceau d’Histoire à lui tout seul. Il regorge de passages passionnants sur la traite des esclaves, leur captivité dans les Forts tenus par les européens, la ségrégation aux Etats-Unis et le parcours semé d’embûches que représente la vie d’un homme ou d’une femme de couleur dans le pays des libertés.

Certains de ses personnages sont d’une justesse remarquable, emplis du suc d’une vie que l’on saisit avec force, si bien que l’on ne peut que regretter de ne les trouver parfois qu’ébauchés.

Les mots de Yaa Gyasi enfin, dépourvus d’empathie, de jugement et de dénonciation, sont une formidable porte d’entrée dans une fiction regorgeant d’hommes et de femmes vrais, loin des clichés et des poncifs : des hommes et des femmes bercés par des destins tragiques qui pourtant ne cessent de se relever.


« Ils disaient qu’Esi n’avait dit à personne que Ness était en route ; elle était allée se réfugier derrière un arbre et s’était accroupie. Ils disaient qu’un son étrange avait précédé le premier cri du nouveau-né et, pendant des années ensuite, Ness les avait entendus discuter de la nature de ce bruit. Un esclave pensait que c’était le battement d’ailes d’un oiseau. Un autre que c’était un esprit, venu aider Ness à sortir, avant de repartir dans un grondement. Mais un autre disait qu’il venait d’Esi elle-même. Qu’elle s’était éloignée pour être seule, pour avoir son moment de joie avec son enfant avant qu’on vienne lui dérober les deux, sa joie et l’enfant. Le bruit, avait dit cet esclave, était celui du rire d’Esi, et c’était pourquoi ils ne l’avaient pas reconnu. »


Je ne peux donc que vous conseiller de plonger entre les pages de No home. Il y a des chances que, comme des milliers de lecteurs, vous ne partagiez pas mon point de vue et vous savez quoi ? J’en serais ravie ! Il y a entre ses lignes de quoi grandir et être ému, et rien que pour cela, No home vaut de l’or !

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