Noir d'os, bell hooks.
- loudebergh
- 29 sept.
- 2 min de lecture

Je crois que c’est la première fois que je lis des mémoires sans ennui aucun. Sans douloureuse impression de prétention et d’égocentrisme.
Prise entre les feux d’une narration superbe, j’ai vu les pages de ce premier opus défiler sous mes yeux. L’enfance de bell hooks – l’essayiste noire américaine que l’on ne présente plus,
– se déployait devant mon regard.
Le miracle opérait : de ce petit morceau de vie naissait l’universel.
*
Avec ses Mémoires de fille pour la première fois traduit en français, la théoricienne du black-feminism se livre sous le jour le plus intime : celui de son enfance de petite fille noire et pauvre dans le Kentucky ségrégué des années 50.
Émouvante et visionnaire, la célèbre militante raconte ici les discriminations raciales et la solitude, la violence familiale, l’échappatoire par la littérature et son amour profond pour la culture noire du Sud des États-Unis.
*
Noir d’os n’est pas un récit ordinaire explique bell hooks dans sa préface, c’est l’histoire d’une rébellion d’enfance, de son combat pour se forger une identité à la fois distincte du monde qui l’entoure et en même temps l’incluant. Elle le fait à la manière des imagistes, révélant la vie intérieure d’une jeune fille noire en train de s’inventer dans un monde complexe et rude. Créant les fondements de sa personnalité qui la conduiront vers son véritable destin : l’écriture.
Si nombre de travaux féministes citent l’enfance comme une période de vie durant laquelle les petites filles se sentent souvent libres et puissantes – car pas encore bien différentes des garçons – bell hooks remarque que l’expérience des filles noires dans la société n’est pas assez connue. Elle parle d’ailleurs de l’Œil le plus bleu de Toni Morrison comme de son roman préféré au monde car parlant « des personnes qui, dans toute la littérature, ont toujours été dans les marges – les petites filles noires reléguées au rang d’accessoires ».
Voilà l’adolescente qu’est bell hooks ébranlée.
Là, dans ce récit de fiction, résidait toute son histoire, toute son enfance.
Un récit qu’elle se propose de faire ici, dans ses Mémoires.
Elle le fait par très courts chapitres, qui sont tous de petites scènes pouvant exister par elles-mêmes. Elles sont des mini-mondes en soi. Des tableaux soignés et minutieux – durs et précis en ce qu’ils racontent. bell hooks nous parle d’elle et par son prisme de milliers de petites filles noires, confrontées sans cesse aux problèmes de classe, de race et d’identité. De filles qui luttent pour faire face à la souffrance. De filles dotées d’un regard critique, de penseuses, de théoriciennes qui, se racontant, deviennent enfin des Sujets de l’Histoire.
J’ai lu ce livre comme un roman. Désireuse, chaque chapitre terminé, de découvrir le morceau de vie qui suivrait. Enivrée par ce rythme, cette intelligence, cette façon de penser. Ce réconfort que moi aussi, petite, j’ai trouvé dans les livres et les mots, cette source infinie de joie et de puissance.





Commentaires