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Photo du rédacteurloudebergh

Sur la route, vers ailleurs, Benjamin Wood.


Quelque chose cloche.

Difficile de savoir quoi de prime abord,

mais il y a quelque chose qui cloche dans Sur la route, vers ailleurs de Benjamin Wood,

c’est certain.


*


Un matin d’août 1994, Daniel Hardesty, douze ans, et son père Fran, qu’il n’a pas vu beaucoup depuis la séparation de celui-ci d’avec sa mère, prennent la route pour le nord de l’Angleterre. Un road-trip qui représente une chance de resserrer leurs liens. Fran, qui travaille sur les décors d’une série télévisée, L’Artifex, dont Daniel est fan, lui a promis de lui faire visiter les studios à Leeds. Mais plus les kilomètres défilent, plus les mensonges et le désespoir de Fran se dévoilent au grand jour, le poussant à des actes d’une violence inouïe.


*


Habituellement, j’aime écrire sous le coup de l’émotion.

Emportée par la joie de la page envolée, la tristesse de l’amour perdu ou la colère née du rêve brisé.

J’aime écrire le cœur brûlant de mots et l’âme gonflée de phrases.

Et la petite mort que constitue la fin des grands romans, ce bonheur teinté de mélancolie qui germe dans ma poitrine une fois la dernière page tournée me semble être une raison plus que suffisante de vivre.

Sauf que là : rien.

Emotion : 0

Encéphalogramme plat.

Et sur le moment, une incapacité totale à l’expliquer.


Alors je me suis proposée un petit exercice : opérer comme

si ce roman était un verre de vin,

et en faire une dégustation dans les règles de l’art.


1. La robe.

Il n’y a pas à dire, c’est réussi. Une couverture sobre et élégante, une belle photo en noir et blanc, intrigante jusque qu’il faut et un résumé des plus alléchants.

De quoi régaler les yeux et émoustiller les papilles.


2. Le Nez

Là encore, on coche toutes les cases. Un papier épais et soyeux fleurant bon l’encre nouvellement apposée et l’imprimerie tant aimée, un toucher délicieux.

Des notes de rage, d’angoisse et d’horreur, par endroits essaimées.

Tout ce qu’on aime, et plus encore !


3. L’attaque

Impeccable.

Impossible de lâcher ce pavé de 400 pages.

J’ai immédiatement été embarquée par la fiction, galvanisée par un suspens sachant chasser sans son chien, impatiente de découvrir ce que la page suivante me réservait. En quelques heures, Sur la route, vers ailleurs de Benjamin Wood était englouti.

Et non sans plaisir je dois l’avouer.


4. Le milieu de bouche.

C’est là que le bât se met à blesser. Je me suis empêtrée dans l’histoire dans l’histoire (le début du scénario de L’Artifex, inséré entre les chapitres) qui semble avoir pour unique intérêt de doubler le volume du roman. Et j’ai commencé à réaliser qu’il y avait beaucoup de vide entre les mots.

Et pas grand chose à l’intérieur de ceux-ci.


5. La finale.

Là, c’est le drame. Une fois la dernière gorgée avalée- la dernière page tournée, il ne restait plus rien des arômes qui avaient pris possession de mes sens quelques heures plus tôt. Je me suis retrouvée immédiatement orpheline de mots, amnésiques avant l’heure. Terrifiée de constater la superficialité du propos, terrassée par ces phrases galvaudées, irrémédiablement déçue.

Sur la route, vers ailleurs à peine terminé, déjà était-il oublié.


Mais comment cela est-il possible ? Comment se fait-il qu’un auteur dont le talent n’est plus à démontrer, en possession d’une histoire palpitante qui plus est, produise un roman sans relief et sans saveur ?


Sans doute parce qu’il manque quelque chose à la base. Au tout début du processus d’écriture. Quelque chose qui relève de la nécessité, de l’absolu, de la passion et de la fougue. Qui nous fait voir les tripes que son auteur a mis sur la table, le goût de son sang, l’odeur de sa sueur. Ce petit rien, cette étincelle, qui dit le Vrai, le casse-gueule, le divin.


Rien de tout cela entre les pages de Sur la route, vers ailleurs. Et malgré quelques belles heures de lecture, je confesse mon immense déception !

Saurez-vous me donner tort ?


« Jusqu’à cette sombre semaine d’août, pendant laquelle chaque plan élaboré était une tentative pour annuler le précédent et chaque parole prononcée une diversion ou un mensonge, j’avais cru que mon père était un homme bien, un géniteur acceptable. »




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