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  • Photo du rédacteurloudebergh

Vanda, Marion Brunet.


Les romans écrits avec les tripes se reniflent de loin.

Ils sentent le sang, la chair et le métal.

La colère et la tristesse.

Le ressentiment.

On se dit que l’existence de ces romans a quelque chose de thérapeutique et que c’est tant mieux. Car ils fleurent bon la vie et le vrai.


Vanda de Marion Brunet est de ces romans.

De ceux que l’on vous offre un jour et auxquels vous ne vous attaquez pas tout de suite – vous avez le chamboulement facile par les temps qui courent.

Vous attendez un peu car vous le savez : Vanda va vous toucher. Plus peut-être que vous n’osez l’imaginer. Elle sera le début de quelque chose, elle posera un jalon, une pierre ou une brique, c’est selon.


*


Personne ne connaît vraiment Vanda, cette fille un peu paumée qui vit seule avec son fils Noé dans un cabanon au bord de l’eau, en marge de la ville. Une dizaine d’années plus tôt, elle était aux Beaux-Arts, aujourd’hui elle est femme de ménage dans un hôpital psychiatrique. Entre Vanda et son gamin de six ans, qu’elle protège comme une louve, couve un amour fou qui exclut tout compromis. Alors quand Simon, le père de l’enfant, fait soudain irruption dans leur vie après sept ans d’absence, l’univers instable que Vanda s’est construit vacille. Et la rage qu’elle retient menace d’exploser.


*


Je ne suis pas franchement fan des personnages de « mères-louves ». De ces femmes immenses, débordantes, engloutissantes. Celles qui consolent leur solitude dans le fantasme d’une fusion avec leur enfant, qui l’objectifient et l’enferment. Dans l’espoir – vain – que jamais il ne s’éloigne.

Ces personnages, tout droit sortis d’un monde un peu trop vrai, me terrorisent.

Et si j’ai bien conscience qu’elles n’ont bien souvent pas d’autre choix, c’est avec beaucoup de distance que j’en observe les actes et puis les mots.

Les enfances malmenées en revanche, douloureuses, abîmées, déraillées, me submergent littéralement. Avec encore plus de force depuis que je suis moi-même mère.


"Ca fait longtemps qu'elle le sait, qu'elle compte pour rien ou pas grand-chose. Elle l'a su très tôt, vu que sa mère comptait déjà pas des masses. Et ça s'aggrave à chaque rendez-vous chez Pôle Emploi, à chaque fois qu'Internet coupe au moment où elle remplit un interminable formulaire pour une demande d'aide au logement. Ca continue quand les fonds ne sont pas débloqués pour la moindre sortie scolaire et que les instits soupirent de rage, que les immeubles de pauvres s'écroulent pendant que le centre-ville est redessiné pour ressembler à un décor. La haine se mêle à la peur, Vanda se sent au bord de l'explosion, tout au bord. Qu'ils crèvent. Que leurs sourires cyniques s'élargissent au couteau. Qu'ils s'étouffent dans leur mépris, se carrent leurs millions dans le cul et qu'ils en crèvent."


Vanda de Marion Brunet semble être de prime abord l’histoire d’une femme affrontant le monde dans une sorte de symbiose avec son fils (ce qui aurait pu me faire fuir), mais c’est surtout celle d’une enfance. Une enfance trop pleine d’amour et d’errances.

Débordante de passions et d’anéantissement.

Inégale et peu rassurante, radicale et magnétique.


Magnétique.

Peut-être l’adjectif qui qualifierait le mieux ce court roman, cette tragédie contemporaine, sensible et poétique. Succincte au possible, exceptionnelle de précision, grandiose dans sa forme, Vanda fait se percuter l’intime d’une femme et la brutalité de notre société.

En quelques 200 pages – dévorées et dévorantes, il va sans dire – Marion Brunet dit tout et l’essentiel.

Crache sa rage et son amour avec la même énergie. La même verve.


On en sort un peu K.O. Une larme au coin de l’œil, le cœur cabossé.

Parce que dieu que cette histoire est belle,

et cet amour précieux.



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